Comprendre l’évolution de l’économie tchadienne est un exercice essentiel car déceler les raisons des faibles performances écono-miques du pays permettrait de poser les jalons d’un avenir plus prospère. L’histoire de notre économie peut se décomposer en cinq périodes, marquées par d’importants événements politiques et économiques. Ces événements constituent donc des référen-tiels permettant une meilleure compréhension des fluctuations du produit intérieur brut.
Les performances économiques de l’indépendance jusqu’à l’année 1975
De 1960 à 1975, les performances économiques du Tchad ont été médiocres. En effet, durant cette période marquée par le début de l’instabilité politique à partir de 1965, la croissance économique a été faible. Il convient de noter qu’elle correspondit à la montée dans la région du Tibesti d’un mécontentement populaire qui prendra la forme d’une rébellion organisée connue sous le nom de Front de Libération Nationale du Tchad (FROLINAT).
A des périodes de hausse succédaient celles de baisse plus accentuée. En moyenne sur cette période, le taux de croissance du PIB/hab a été négatif et se situe autour de -1,06%. Exprimé en niveau, le PIB/hab passe de près de 550$ pour s’établir à 463$ en 1975 correspondant à une baisse absolue de 87$.
Conseil Supérieur Militaire (CSM) et croissance économique (1976-1982)
A partir de 1975 jusqu’à 1982, à cause des insurrections armées qui se généralisent à l’ensemble du pays, on a enregistré les plus mauvaises performances économiques.
La propagation de la guerre civile à l’ensemble du pays se solde par l’effondrement de l’Etat tchadien et de l’appareil productif en 1979. Ainsi, de mars 1979 à juin 1982, la zone méridionale était coupée du reste du pays et cela dans une situation de quasi autonomie. La production de coton graine qui constituait alors la principale source de devises du Tchad était acheminée directement vers l’extérieur (cf. l’ouvrage «le Frolinat et les guerres civiles du Tchad (1977-1984)»). Le «Comité permanent», une sorte de gouvernement provisoire composé de civils et d’officiers supérieurs du sud du Tchad s’occupait de la gestion administrative et financière ainsi que de l’animation politique du sud du pays. Ce dernier percevait alors lui-même la taxe civique, les impôts auprès des sociétés industrielles et les droits de douanes à la frontière. Ainsi, très rapidement après sa création, la décision fut prise de ne pas diriger les recettes vers N’djamena. Pour illustrer la déliquescence de l’Etat durant ces années de troubles, en avril 1980, le chef du Comité Permanent d’alors, le Général KAMOUGUE a fait établir un budget local de 5 milliards de FCFA pour le reste de l’année qui sera reconduit provisoirement en 1981.
Durant cette période, les infrastructures de base ont subi d’importants dommages, ce qui a eu pour consé-quence une désorganisation com-plète de la vie économique. En parti-culier, de nombreuses entreprises industrielles et commerciales ont dû cesser leurs activités, privant l’État de recettes fiscales. Ces lourds handicaps expliquent le fait que le pays soit dépendant de l’aide internationale. Conséquence de cette situation, le PIB/hab chute brutalement passant de 467,2$/hab à 330,5$ en 1982 soit une baisse de près de 42%. Durant cette période, la croissance réelle tourne autour de -4,37% en moyenne annuelle.
L’économie tchadienne sur la période 1983-1990
Cette période est marquée par une relative stabilité politique comparativement à la précédente ayant pour conséquence la concrétisation des performances économiques qui contrastent avec les périodes précédentes.
La communauté internationale et les bailleurs de fonds en particulier reconnaissent les efforts réalisés par le gouvernement tchadien dans la lutte contre la corruption et l’incurie qui ont caractérisé les périodes précédentes. En décembre 1985, le pays passe alors brillamment son examen de passage lors de la table ronde de Genève organisée avec le concours du PNUD et réunissant les principaux bailleurs de fonds étrangers. Lors de cette rencontre, les engagements pris par les donateurs pour les trois années à venir dépassèrent 450 millions de dollars alors que le pays n’en avait demandé que 431 (Journal le monde du 11 décembre 1985). Malgré ces succès, l’économie éprouve des difficultés en relation avec l’effondrement de la filière coton. En effet, avec les années de conflits, la Coton-Tchad fut confrontée à des difficultés de gestion interne caractérisées par un laxisme généralisé. En outre, étant la seule structure organisée dans le sud du pays, l’Etat tchadien et le Comité Permanent en particulier ont opéré des ponctions importantes dans les finances de la société.
A ces difficultés, il faut ajouter la chute des cours mondiaux du coton et la baisse du cours du dollar, devise avec laquelle la plu-part des transactions sur les matières premières étaient conclues.
Durant cette période, la Coton Tchad représentait une mastodonte dans la mesure où elle faisait vivre directement ou indirectement près de deux millions de personnes soit près de deux tiers de la population totale du pays. Enfin, la filière cotonnière rapportait 35% des ressources budgétaires et constituait 80% des exportations en valeurs.
1990-1999: L’avènement de la démocratie et politiques d’ajus-tement structurel
Sur la période allant de 1990 à 1999, la reconstruction de l’Etat tchadien se poursuit avec l’organisation de la Conference Nationale Souveraine (CNS) en 1993 dont le but n’est rien d’autre que de jeter les jalons d’un Etat démocratique et économiquement prospère. Cette période a été marquée par un faible niveau des recettes fiscales et une forte dépendance à l’aide internationale. Elle coïncide aussi avec les Programmes d’Ajustement Structurels (PAS) dont l’une des conséquences est la dévaluation du FCFA, monnaie communautaire utilisée par le Tchad.
La dévaluation a permis au Tchad de renouer avec une croissance positive après la chute de l’activité économique en 1993. En plus de cela, le réajustement monétaire a entraîné une forte croissance de la production de coton, des exportations de bétail et de gomme arabique, tandis que l’effet revenu de la dévaluation déprimait les importations et stimulait la demande de produits nationaux. Le PIB a ainsi marqué une croissance significative (+7,2 %) en 1994. Les PAS enclenchés au Tchad en 1995 a débouché sur la privatisation de toutes les banques et presque toutes les entreprises publiques ainsi qu’à la liquidation de certaines d’entre elles. Cette politique a permis la réduction du déficit des finances publiques qui est passé de 14,2 % du PIB réel en 1994 pour s’établir à 9 % en 1998. En outre, la politique budgétaire mise en oeuvre durant cette période a conduit à un assainissement des finances de l’État permettant le rétablissement des équilibres macro-économiques et une certaine crédibilité du pays.
Le PIB/hab passe de 409,2$ en 1990 à 384,5$ en 1999, soit une baisse de l’ordre de 6%. En moyenne annuelle, la croissance par habitant tournait autour de – 0,4%. Cette situation résulte d’une forte chute du PIB en 1993 (-15,9) occasionnée par la baisse de la production agricole mais aussi de l’effet de la fermeture des frontières camerounaises et nigérianes.
L’ère pétrolière: 2000-2013
La construction du pipeline Tchad-Cameroun et l’ouverture de la première vanne en octobre 2003 marquent le début de l’ère pétrolière au Tchad. En effet, cet important projet (4,2 milliards de $) a impulsé une nouvelle dynamique à l’économie. Ainsi, par rapport aux périodes précédentes, entre 2000 et 2013, la croissance du PIB réel par habitant s’est établi en moyenne annuelle autour de 5,12%. La production par tête a presque doublé passant de 367,5$ à 741,6 $ en 2013. Il convient de noter que l’exploitation pétrolière a généré en moyenne entre 2006 et 2011 à peu près le quart du PIB national.
L’injection des ressources pétrolières dans l’économie a entrainé une hausse généralisée du niveau des prix en raison de la faible capacité d’absorption de l’économie tchadienne et de l’offre nationale. Il s’est accru en moyenne de 3,2% par an avec des fortes fluctuations expliquées par les déficits pluviométriques entrainant des baisses importantes de la production agricole. Il passe ainsi de 87% en 2000 (année de base 2005) pour s’établir à plus de 128% en 2013 expliquant la relative cherté de la vie au Tchad.
L’exploitation des champs de Doba a entrainé un accroissement des recettes et des dépenses publiques. En effet, les recettes totales sont passées de 135,43 milliards (12,13 du PIB) pour s’établir à 1329,6 milliards de FCFA représentant près de 20% du PIB. Cela correspond à une hausse en moyenne annuelle de l’ordre de 22,5%. Pour ce qui est des dépenses publiques, elles ont enregistré des fortes hausses passant de 203,2 milliards (18,2% du PIB) à 1463,56 de FCFA correspondant à 22, 02% du PIB. Un point important concerne la dépendance de l’économie nationale au pétrole. Ainsi, d’après le FMI (Rapport no 13/284), l’économie tchadienne est fortement tributaire du pétrole qui assurait plus de 70 % des recettes budgétaires, 90 % du total des exportations de biens et 30% du PIB nominal en 2013.
Ces chiffres traduisent la nécessité de la diversification de l’économie qui permettrait de faire face aux chocs résultant de la baisse des cours du brut. Ils mettent également en évidence l’impérieuse nécessité pour les pouvoirs publics de poursuivre la politique actuelle de dotation en infrastructures et d’amélioration du capital humain, de la qualité des institutions ainsi que de la gouvernance en vue d’une croissance plus inclusive.
Enfin, il convient de noter que la gestion économique du pays s’est récemment améliorée, notamment dans le cadre du Programme de référence conclu en Juillet 2012. Fort de ce résultat, le Tchad a conclu avec le FMI un programme de 3 ans portant sur une facilité Elargie de Crédit (FEC). Cela a permis en avril 2015 l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE permettant au pays de beneficier d’une réduction substantielle de la dette publique tchadienne dégageant du coup des ressources supplémentaires pour le financement du développe-ment à travers une offre conséquente des services sociaux (santé, éducation, …).
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