ACTUALITE : « Coronavirus : commentaires sur les mesures fiscales exceptionnelles de soutien aux contribuables suite à la pandémie de COVID-19 »

Depuis quelques mois la vie économique mondiale est affectée par la conjoncture sanitaire de grande ampleur provoquée par la Covid-19. Tous les aspects de la vie économique et singulièrement des entreprises sont concernés par la fiscalité. C’est dans ce cadre de crise sanitaire et de contexte économique très difficile que le Maréchal du Tchad, Président de la République, Chef de l’État, Idriss Deby Itno, a décidé d’un certain nombre de mesures fiscales d’accompagnement, publiées le 23 avril 2020 dans la lettre Circulaire n°004/PR/MFB/2020 du Ministre des Finances et du Budget.

Le traitement fiscal de ces différentes mesures visait donc à atténuer les conséquences économiques liées à la propagation de la pandémie mondiale de la Covid-19 dans notre pays. Les dispositifs pris par le Gouvernement n’ont pour but que d’alléger les charges pesant sur les contribuables, de soulager leur trésorerie dans l’immédiat tout en veillant à maintenir l’économie dans sa proportion la plus soutenable.

Cette volonté d’accompagnement des opérateurs économiques exprimée par les hautes autorités de la République est à saluer. Car cet appui combien appréciable, arrive dans un contexte de rareté des ressources budgétaires. L’objet de cette étude consiste à commenter les différentes mesures fiscales prises par le Gouvernement puis d’émettre une opinion sous forme de conclusion.

Mesures en faveur des opérateurs économiques

Au nombre de quatre (4), les mesures fiscales prises par le Gouvernement pour soutenir les opérateurs économiques portent : (1) sur la patente et l’Impôt Général Libératoire, (2) les contrôles ponctuels et vérifications générales de comptabilité, (3) les demandes des entreprises en difficultés suite aux mesures gouvernementales, (4) les facilités en termes d’exonérations douanières.

Mesure 1 : Réduction de 50% de la contribution au titre de la patente et de l’Impôt Général libératoire (IGL)

La patente c’est un impôt dû par toute personne physique ou morale exerçant une activité professionnelle indépendante, et dans un but lucratif. Elle est calculée par rapport au libellé de l’activité exercée, due pour une année civile, à savoir du 1er janvier au 31 décembre, et ce, même si la cessation d’activité intervient en cours d’année. Elle est constituée du droit fixe qui est unique pour une même profession et du droit proportionnel qui varie d’après la valeur locative des locaux servant à l’exercice de chaque profession (article 797 du CGI).

L’Impôt Général Libératoire (IGL) quant à lui est un impôt unique et exclusif du paiement de la contribution des patentes et licences, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, de la taxe forfaitaire, de la taxe d’apprentissage et de la TVA. Sont donc soumises à cet impôt, les personnes physiques réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 50 millions de FCFA quel que soit la nature de l’activité qu’elles exercent. Les tarifs de l’IGL sont applicables par zone, classe et profession (article 31 du CGI).

Cependant, les personnes soumises à l’IGL restent redevables des retenues à la source opérées sur le revenu de leurs partenaires au profit de l’Administration. Cet impôt est liquidé par les services des impôts en application des tarifs arrêtés par zone d’imposition conformément à une fourchette fixée par catégories d’activités.

Mesure 1 : Réduction de 50% de la contribution au titre de la patente et de l’Impôt Général libératoire (IGL)

La patente c’est un impôt dû par toute personne physique ou morale exerçant une activité professionnelle indépendante, et dans un but lucratif. Elle est calculée par rapport au libellé de l’activité exercée, due pour une année civile, à savoir du 1er janvier au 31 décembre, et ce, même si la cessation d’activité intervient en cours d’année. Elle est constituée du droit fixe qui est unique pour une même profession et du droit proportionnel qui varie d’après la valeur locative des locaux servant à l’exercice de chaque profession (article 797 du CGI).

L’Impôt Général Libératoire (IGL) quant à lui est un impôt unique et exclusif du paiement de la contribution des patentes et licences, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, de la taxe forfaitaire, de la taxe d’apprentissage et de la TVA. Sont donc soumises à cet impôt, les personnes physiques réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 50 millions de FCFA quel que soit la nature de l’activité qu’elles exercent. Les tarifs de l’IGL sont applicables par zone, classe et profession (article 31 du CGI).

Cependant, les personnes soumises à l’IGL restent redevables des retenues à la source opérées sur le revenu de leurs partenaires au profit de l’Administration. Cet impôt est liquidé par les services des impôts en application des tarifs arrêtés par zone d’imposition conformément à une fourchette fixée par catégories d’activités.

La circulaire note deux (2) catégories de contribuables soumis aussi bien à la patente qu’à l’IGL :

– le contribuable qui n’a pas encore payé sa patente ou son IGL en date de signature de la circulaire se verrait appliquer une réduction de moitié sur le montant non encore payé ;

– le contribuable qui par contre a déjà payé sa patente ou son IGL avant la date de signature de la circulaire, bénéficiera d’une remise de 50% sur le montant de la patente ou de l’IGL déjà payé. Vu que ce montant est déjà versé au Trésor public, la moitié promise de ce montant sera considérée comme une créance du contribuable sur l’Etat ou un crédit d’impôt à valoir sur le prochain paiement d’impôts et ce, jusqu’en 2021. Cependant si des pénalités pour retard de souscription à la patente ou à l’IGL ou de mauvaise déclaration, voire de non-respect du délai de paiement venaient à être appliquées, celles-ci ne feront aucunement partie de la mesure, car cela amènerait à partager le tort commis par ce contribuable avec l’État. De même, l’État n’a pas à déduire la fraction du crédit d’impôt tiré de la patente ou de l’IGL sur la situation des impôts dont le contribuable n’est aucunement redevable réel mais plutôt qu’un intermédiaire (redevable légal) autorisé par la loi à collecter l’impôt de ses clients, employés, fournisseurs… pour le compte de l’État.

Le manque à gagner en termes de recettes fiscales pour la patente et l’IGL s’évaluent respectivement à 305 350 574 FCFA et 595 941 082 FCFA, suivant les données de la Direction de Études et Prévisions du MFB.

Mesure 2 : Au titre de la suspension des contrôles ponctuels et vérifications générales de comptabilité

Dans un système fiscal déclaratif comme au Tchad, c’est le contribuable qui déclare en toute conscience les activités qu’il a réalisées au titre d’une période ainsi que le montant de l’impôt à devoir. Pour s’assurer que les déclarations ne sont entachées d’irrégularités, des contrôles fiscaux (sur pièces et sur place) sont régulièrement menés et donnent lieu à des corrections extracomptables amenant les services du fisc à assurer ainsi l’égalité de tous devant l’impôt.

Par ailleurs et suite à l’impact de la crise sur la trésorerie des entreprises, les autorités ont voulu dispenser ces dernières des vérifications de comptabilité avec des effets financiers induits. Ces vérifications de comptabilité étant des contrôles à l’intérieur des entreprises, la nécessité du respect des règles de distanciation a certainement incité les autorités à décider de cette mesure, tout comme la volonté des décideurs d’assouplir un tant soit peu, la pression fiscale sur les contribuables.

Cependant, cette suspension n’est pas exclusive de contrôle en cas de comportement fiscal indécis, faisant peser de forts soupçons de fraude ou de minoration de bases déclaratives. Ce n’est qu’une façon juste et équitable d’éviter des distorsions entre les contribuables honnêtes de ceux qui ne le sont pas.

Cette mesure de suspension de contrôle fiscal ne concerne pas les contrôles fiscaux pour lesquels des procédures contradictoires, d’échanges et d’émission d’Avis de Mise en Recouvrement (titre de paiement) sont effectuées. Elle ne concerne pas également les contrôles sur pièces opérées depuis le bureau dès lors que cela est lié à une obligation déclarative. Enfin, la circulaire estime judicieux de respecter les mesures barrières contre la Covid-19 en utilisant les moyens électroniques et éviter ainsi tout contact physique et documentaire. Ce dernier nous amène à donne certaines explications.

Depuis l’avènement de la pandémie, un passage accéléré à l’administration électronique a été constaté, notamment dans les pays ou le confinement a été partiel, voire total. C’est ainsi qu’il a été exigé des contribuables quand c’était possible d’accomplir leurs formalités fiscales au moyen des services électroniques existants ou nouvellement créés.

La circulaire du Ministre des Finances et du Budget veut indiquer que si les services électroniques ont bien fonctionné durant cette période de pandémie et bien acceptés par les contribuables, le Ministère des Finances et du Budget pourra favoriser leur emploi, ou même envisager progressivement de supprimer sans condition certaines pratiques telles que les déclarations sur papier ou les paiements en espèces (sans négliger pour autant le dialogue avec ceux qui ne sont pas à l’aise avec le numérique et les moyens de les aider).

Mesure 3 : Au titre de l’examen des demandes des entreprises singulièrement affectées par les mesures prises

La circulaire du Ministre précise de façon élégante que tout contribuable peut demander à l’administration fiscale, dans le cadre du recours gracieux, la remise ou modération des impôts directs [Impôt sur les Revenus (IR), Impôt sur les Sociétés (IS), Impôts Locaux, etc.], à condition que cette demande soit fondée sur des motifs de gêne ou d’indigence, le mettant dans l’impossibilité de se libérer de sa dette à l’égard du Trésor.

Il en ressort nettement que le Code Général des Impôts renferme, en plus des dispositifs légaux spécifiques, des procédures d’assistance dont le but est de caractériser les difficultés, d’en déterminer l’ampleur et de trouver les moyens pour y faire face. Dans cette situation, l’inflexion de l’administration fiscale devient alors un facteur fondamental de traitement de la crise dont le but est d’adapter exactement les mesures aux besoins du contribuable.

Mesure 4 : Au titre des facilités en termes d’exonération des produits (alimentaires et médicaux) et des matériels médicaux

Ces mesures visent à réduire les conséquences de la crise sur la circulation transfrontalière des fournitures de secours et des biens de première nécessité, de soutenir l’économie, d’assurer la continuité de la chaîne logistique en prenant soin de valoriser ceux liés aux produits et matériels sanitaires qui n’existaient qu’en infime quantité au moment du déclenchement de la pandémie.

En ce qui concerne les produits de première nécessité, la prorogation de leur exemption s’explique par la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat des populations vulnérables. Il était question pour le Gouvernement d’éviter la rupture des produits de première nécessité et consécutivement une crise alimentaire aigue.

Mesures à prendre par les communes, hôtels et services déconcentrés des impôts

Ces mesures concernent directement les collectivités territoriales décentralisées qui sont les bénéficiaires en partie du produit de ces prélèvements. Par ailleurs et dans le souci d’une application efficace de ces mesures sur le terrain, des concertations doivent se tenir avec tous les acteurs impliqués pour leur mise en œuvre harmonieuse, sous l’encadrement du Ministre des Finances et du Budget et de son homologue en charge des collectivités territoriales décentralisées.

La pandémie soudaine du coronavirus dans le monde a bouleversé durablement la vie des individus et des entreprises, occasionnant ainsi de nombreuses pertes en vie humaine mais également l’arrêt voire la disparition de nombreuses entreprises. La configuration de la superpuissance mondiale ainsi que les modalités économiques commencent irrémédiablement à changer. Des révolutions économico-financières se dessinent et font apparaître de nouvelles conceptions du monde. Non seulement le monde ne sera sans doute plus comme avant mais la fiscalité devra, elle aussi, repenser les piliers mêmes sur lesquels elle repose.

De ce fait, la crise de la Covid-19 a eu un impact assez fort sur la mobilisation des recettes puisqu’elles dépendent de l’activité économique. Cet impact en termes des dépenses fiscales risque d’aller au-delà du coût lié aux mesures de soutien aux opérateurs économiques.

Par ailleurs, il faut souligner que les réformes actuelles menées au niveau de la Direction Générale des Services des Impôts, avec l’appui déterminant des autorités, ont permis à notre système de collecte de faire preuve d’une forte capacité de résilience dans les moments de crise.

Par contre, la crise suite au Coronavirus peut avoir des effets bénéfiques en ce sens que l’administration fiscale (impôts et douanes) pourrait tirer parti de la prochaine période de reprise des activités économiques pour réfléchir sur les enseignements à tirer dans le cadre des réponses à apporter aux crises futures, de façon à prévoir l’avenir pour gérer l’imprévisible.

La réflexion permettra donc de revoir les contours de la politique fiscale, de rendre plus accessibles les données pertinentes en matière fiscale dans le cadre de l’exercice du droit de communication et droit d’enquêtes, de discuter avec les responsables de la Direction Générale des Services du Budget des retombées des mesures d’austérité sur la capacité de l’administration fiscale de collecter les impôts, renforcer la dimension «gestion des risques» dans son management et des effets bénéfiques qui pourraient résulter des investissements dans la numérisation de l’administration fiscale.

Car à travers des voies de communication électronique, naîtrons de nouvelles habitudes de travail (télétravail, vidéoconférences) et modifieront également le lieu d’exercice des activités et donc potentiellement les règles d’assujettissement. Ce qui amènera le droit fiscal à s’adapter à cette nouvelle donne.

Au demeurant, les opérateurs économiques estiment que les mesures prises ne répondent pas de façon favorable à leurs attentes et que leurs avis ne comptent peu dans les décisions fiscales. En conséquence, ils suggèrent que l’administration fiscale engage, avant toute décision gouvernementale les concernant, des concertations avec l’ensemble des acteurs économiques via leurs groupements socio-professionnels pour ne serait-ce que recueillir leur appréciation par rapport à la crise, de son impact sur leurs activités et des propositions de mesure de soutien qu’ils comptent soumettre aux autorités.

ABOUBAKAR MALLOUM GONI, Enseignant vacataire à l’université de N’Djamena et à l’ENA

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