Tchad Eco : Bonjour Monsieur le Ministre. Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
BEDOUMRA Kordjé : Je suis BEDOUMRA Kordjé. J’ai un parcours de plus de 35 ans sur les questions de développement. Ici au Tchad j’ai été Ministre du Plan, de l’économie et de la Coopération Internationale ; j’ai été Ministre des Finances et du Budget, et j’ai été par deux fois Secrétaire général de la Présidence de la République. J’ai eu l’honneur, entre 2014-2015, d’avoir été élu Président du Conseil des Gouverneurs de la Banque Mondiale et du FMI et j’ai présidé en conséquence les travaux de leurs assemblées générales en octobre 2015 à Lima au Pérou. L’essentiel de ma carrière a été à la Banque africaine de développement où j’ai assumé toutes les catégories de fonction professionnelle, d’expert au poste de Vice-Président en passant par le poste de Secrétaire Général. Je fais actuellement des prestations de conseils.
T.E: Tirant les leçons de votre longue expérience très enrichissante que vous venez de nous présenter, qu’appelle-t-on une dépense publique de qualité ? Quelles recommandations pourriez-vous formuler pour améliorer la qualité de la dépense publique au Tchad ?
BK : Votre question comporte deux concepts : la dépense publique et la qualité de cette dépense publique. Il y a une littérature abondante sur la dépense publique, et par contre moins sur la qualité de cette dépense publique. Par dépense publique, on entend l’ensemble des dépenses réalisées par les administrations publique, administration centrale, organismes et agences de l’état, et administrations locales. Pour définir le rôle de l’Etat dans la dépense publique, on cite souvent l’économiste américain Richard Musgrave, spécialiste en finances publiques, qui a construit la théorie des trois fonctions : « la dépense publique peut répondre à trois (3) fonctions : une fonction d’allocation des ressources, pour financer les biens et services publics, une fonction de redistribution, pour corriger les inégalités et une fonction de stabilisation macroéconomique, pour lisser les variations cycliques des activités ». Il n’est pas inutile de rappeler que le financement de la dépense publique est assuré par les recettes publiques (impôts, taxes et autres) et la dette publique.
Le concept de qualité de la dépense publique est assez complexe à mettre en exergue. C’est pourtant une question fondamentale qui touche à la qualité de la gouvernance d’un pays. Elle pose la question de savoir comment s’assurer que la dépense publique soit bien utilisée au mieux pour financer ce qui est considéré comme d’intérêt général. Je voudrais, de mon point de vue, citer les domaines suivants qu’il faut considérer quand on veut parler de dépense publique de qualité.
En premier lieu, il faut noter que l’Etat a pour mission de veiller au financement de l’économie en jouant au mieux son rôle de puissance publique en mieux mobilisant les ressources du secteur privé. C’est ainsi que dans le souci de mieux allouer les ressources publiques à des priorités sociales, sécuritaires et autres, il doit créer les conditions permettant au secteur privé de contribuer au financement du développement du pays. Dans les années 1980, le secteur public était considéré comme coûteux et inefficace. Cela a conduit à des politiques visant à réduire la présence de l’Etat dans beaucoup de domaines. Les conséquences sont une plus grande privatisation partielle ou totale des entreprises publiques dans l’espoir d’une meilleure performance. Les services marchands sont en général financés par le secteur privé ayant une logique d’entreprises avec un souci de rentabilité et de profit associé à la satisfaction des besoins du consommateur. En fait, face aux réalités économiques et des contextes donnés des pays, les Gouvernements décident ce qui convient en fonction de leurs intérêts. Ainsi, lors de la crise financière massivement de l’argent public pour sauver des banques privées et relancer l’économie. C’est dire qu’il n’y a pas de religion dans ce domaine, mais une analyse sérieuse et approfondie de la réalité et des opportunités pour trouver des solutions appropriées, tirant aussi les leçons des autres expériences.
En second lieu, il y a lieu de préciser que la qualité de la dépense doit être étroitement liée au meilleur choix de la priorité à financer. En effet, les pays sont souvent confrontés aux choix stratégiques à financer et devront faire le bon choix pour l’avenir des populations. Les dépenses publiques servent à financer les salaires des agents de l’Etat, à acquérir des biens et services, à réaliser des investissements, à payer des dettes, à assurer des subventions et transferts. Toutes ces composantes doivent être analysées et évaluées pour orienter les allocations de ressources vers le développement durable du pays. Les dépenses devront conduire à l’épanouissement du bien-être des citoyens et à générer des richesses à court, moyen et long terme pour le pays. Ainsi par exemple, vu l’importance et le préalable du capital humain dans le développement d’un pays comme le Tchad, la dépense publique pour son développement durable et son avenir devra certainement et nécessairement rester une dépense de qualité indiscutable.
Troisièmement, les marchés publics constituent un des plus grands défis de la dépense de qualité. Une école surfacturée trois à quatre fois par rapport au prix du marché signifie trois à quatre fois moins d’enfants éduqués. Un projet de construction d’une école qui met dix ans avant de se réaliser au lieu des cinq ans prévus, c’est une génération d’enfants sacrifiés. Des projets d’infrastructures mal réalisés qui durent deux à trois fois moins que prévu, ce sont des dépenses publiques de remplacement ou de grandes réparations perdues plusieurs fois lors de la durée de vie de cette infrastructure. Quand vous cumulez les dépenses perdues pour le public dû à la surfacturation, le retard de réalisation des projets et les malfaçons, vous voyez aisément l’importance du désastre. Ceci concerne tous les autres domaines de la vie publique. Assurer une dépense de qualité c’est assurer une dépense dans la transparence et débarrassée de la gangrène de la corruption multiforme. C’est incontestablement le domaine où la mauvaise qualité de la dépense publique affecte gravement le développement du pays et le bien-être des citoyens.
En dernier lieu, les dépenses publiques, pour rester de qualité, devront être en adéquation avec les recettes publiques, et respecter les règles de déficits et de dettes publiques. Les services de la dette de l’Etat pour financer le déficit du budget général devront être soutenables à court, moyen et long terme. La maîtrise de la dette publique reste une composante majeure de la dépense publique de qualité. Elle touche le présent mais également les générations futures.
Ainsi, pour conclure, la dépense publique de qualité repose sur une claire vision développement et la bonne gouvernance économique et financière. Les dépenses publiques devraient viser à satisfaire les objectifs clairement définis avec des indicateurs de performance. Une dépense publique de qualité doit concourir à l’allocation optimale des ressources, en conformité avec les grandes politiques publiques, les priorités nationales, des prestations des services publics efficaces avec des indicateurs concrets à atteindre. Le budget devrait être l’instrument par lequel un Etat ou une collectivité territoriale met en œuvre son programme politique. Les discussions budgétaires qui conduisent à l’élaboration du budget, doivent être faites de façon à s’assurer que les dépenses prévues répondent aux exigences d’efficience et d’efficacité des actions gouvernementales. La société quant à elle devra veiller à ce que les institutions en charge du contrôle de la dépense (Parlement, Cour des comptes, Inspections publiques, sociétés civiles, bénéficiaires, etc.) jouent efficacement leur rôle de garant de la bonne dépense publique.
T.E: Pouvez-vous nous décrire les procédures budgétaires (les pratiques et procédures budgétaires) au Tchad et d’en faire une analyse des forces et faiblesses ?
BK: De façon générale, les pratiques et procédures budgétaires concernent les différents aspects du cycle budgétaire: 1) les calendriers des processus budgétaires, qui comprennent la manière dont est structuré le processus budgétaire, du commencement de la formulation budgétaire par l’Exécutif à la publication des comptes audités par les Institutions Constitutionnelles de contrôle ; 2) le processus de formulation du budget, c’est à dire la manière dont les rôles et les responsabilités sont attribués dans le processus de formulation budgétaire; 3) le rôle de Parlement dans le processus budgétaire; 4) l’exécution du budget, c’est-à-dire les règles et les procédures essentielles qui guident la mise en œuvre du budget et qui permettent de déterminer le degré d’ajustement du budget au cours de l’année fiscale. 5) la transparence fiscale, qui permet de réunir les preuves concernant la couverture, le respect des délais, et la mise à disposition du public des informations budgétaires ; 7) la gestion de l’aide qui permet de connaitre les institutions, les politiques et les flux d’informations sur lesquelles le gouvernement s’appuie pour gérer l’aide internationale.
Dans le cas du Tchad, le cycle budgétaire est jusqu’à ce jour encadré par l’arrêté n°642/PR/PM/2015 du 02 février 2015, instituant un calendrier pour la préparation et l’élaboration du budget général de l’Etat. Cet arrêté qui s’inspire de la Loi Organique Relative aux Lois de Finances (LOLF) de 2014, fixe au début du mois de février le lancement de la préparation du budget de l’Etat, et le dépôt du projet de budget général et ses documents annexes à l’Assemblée Nationale au plus tard la veille de l’ouverture de la deuxième session ordinaire, initialement prévu au 05 Octobre de chaque année par l’ancienne constitution. La nouvelle Constitution a ramené cette date au cinq (05) Septembre. Après le vote de l’Assemblée Nationale, le budget doit être promulgué au plus tard le 31 Décembre.
Dans la pratique, nul n’ignore que les différents calendriers budgétaires sont rarement respectés au Tchad comme dans de nombreux pays africains fragiles. Sur les autres aspects des procédures budgétaires, il est évident que de nombreux efforts restent à accomplir notamment la faible participation des sectoriels dans la formulation et l’exécution du budget, le retard dans la production des lois de règlement (la dernière date de l’année 2013) sensées justifier l’exécution des budgets de l’Etat, la lenteur dans la mise en œuvre des directives communautaires et nationales en matière de transparence budgétaire.
T.E: D’après vous qu’est-ce qui pourrait expliquer la faible qualité de la dépense publique au Tchad ?
BK : A mon avis, nous disposons de peu d’éléments pour répondre de manière argumentée et tranchée à la question de la faible qualité de la dépense publique au Tchad. Des études devraient être menées dans ce sens, tenant compte des domaines que j’ai évoqués en réponse à votre question sur la définition de la qualité de la dépense publique. La corruption par exemple est reconnue ouvertement comme certainement le plus grand mal, sinon un des plus grands maux dénoncés par tous, à commencer par le Président de la République. Il serait intéressant par exemple de conduire une étude sur les marchés publics des cinq dernières années pour apprécier la qualité de la dépense. En plus de la corruption, c’est aussi le manque d’un dispositif institutionnel d’orientation et de maturation des projets d’investissements publics.
Le faible niveau des ressources humaines pousse forcement à s’interroger sur la qualité de la dépense publique. En outre, la qualité de la gestion des ressources publiques en général est une condition forte de l’efficacité des dépenses. Ceci signifie que le niveau des ressources doit respecter une série de principes de gestion budgétaire saine.
La difficulté de veiller aux dépenses publiques de qualité dans un pays comme le Tchad est certainement compliquée avec le contexte d’insécurité et les difficultés de prévisions liées aux recette pétrolières volatiles. La crise économique et financière pèse inévitablement sur le niveau et la qualité des dépenses publiques avec la baisse du PIB et les mesures à prendre pour relancer l’économie. Dans un contexte où l’opinion n’a pas confiance à l’Administration surtout du fait d’une corruption généralisée, il est difficile de bâtir un consensus pour sacrifier certaines dépenses.
En principe, la mise en œuvre effective de la Loi Organique Relative aux Lois de Finances (LOLF) de 2014 doit permettre de concrétiser la logique de performance et conduire le Gouvernement tchadien à une gestion publique orientée vers les résultats, dans laquelle le calcul de coût et d’efficience prendra une part croissante.
T.E: Plusieurs réformes ont été entreprises pour assurer la qualité de la dépense publique au Tchad. Pouvez-vous nous présenter une vue synoptique de votre expérience dans ce domaine, quand vous étiez Ministre des Finances et du budget, et quels étaient à votre époque et probablement encore aujourd’hui les principaux goulots d’étranglements ?
BK : Des réformes structurelles sont initiées pour refonder globalement la gestion du secteur public, et à cet effet, l’amélioration de la dépense publique n’en est qu’une des conséquences. C’est un processus qui s’inscrit dans la durée. En ce qui concerne la réforme des finances publiques au Tchad, il faut noter que les premières expériences en la matière datent pratiquement de 2003, et elles continuent à ce jour.
Pour répondre spécifiquement à votre question, à travers notre passage au niveau du ministère des finances et du budget d’octobre 2014 à août 2015, nous avons conduit plusieurs chantiers et traduit dans les faites des réformes importantes des finances publiques. Je peux citer les cas suivants :
- La conduite du Tchad à l’atteinte du point d’achèvement des pays pauvres très endettés (PPTE), qui a permis une réduction partielle de la dette et l’accord d’un programme avec le FMI pour la Facilité Elargie de Crédit (FEC) ;
- La transposition dans les lois nationales de cinq (5) directives de la CEMAC en matière de gestion des finances publiques, dont la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF), qui a introduit le budget programme ;
- La mise en œuvre de la LOLF à travers la production de nombreux documents budgétaires (TOFE, CBMT, CDMT etc.) et le renforcement des capacités des acteurs de l’administration publique au passage du budget de moyen au budget programme ;
- L’informatisation du circuit de la dépense par l’instauration effective du CID (Circuit intégré de la dépense) et du SYGASPE (Solde) ;
- L’élaboration et la soumission au Parlement des lois de règlements des années 2003 à 2013. Ces lois de Règlements n’étaient pas produites depuis 2003 ; il s’agissait de régulariser la situation et d’être à jour pour les années suivantes ;
- Initiation et démarrage des activités visant à la création d’un fonds souverain et à l’évaluation du portefeuille de l’Etat.
Les difficultés sont réelles et sont souvent amputables a beaucoup d’éléments : la faiblesse des ressources humaines, le retard dans l’utilisation des TICs, l’obstacle de l’énergie, la corruption, l’absence de la culture de « rendre compte », etc… tels sont quelques goulots qui pourraient s’ajouter à biens d’autres que nous ne pouvons tous cités.
T.E: Il existe des institutions telles que l’Inspection Générale des Finances (IGF), l’Inspection Générale d’Etat (IGE), la Chambre des Comptes de la Cour Suprême qui ont pour mission de garantir la bonne utilisation de ressources publiques. Pourtant, on constate que les dépenses publiques ont un impact modéré sur les indicateurs de développement social. Comment expliquer cette situation ?
BK : Les institutions de contrôles que vous citez ont pour mission principale de s’assurer du bon emploi de l’argent public et d’en informer les décideurs et les citoyens. Elles ne font pas le choix des objectifs et des indicateurs.
Le développement social est un projet politique du Gouvernement qui fixe les objectifs et les indicateurs qui vont avec : l’emploi, l’éducation, la santé, le logement, l’alimentation, etc. Ceci implique un investissement précis sur la population, et des allocations de ressources appropriées, un programme de mise en œuvre, des mécanismes de suivi des indicateurs de performance, etc. Il faudrait donc veiller aux dépenses publiques de qualité pour atteindre ces objectifs.
La clarté des objectifs et des performances à atteindre et leur transparence, sont des préalables pour permettre aux institutions de contrôles d’en évaluer la mise en œuvre et d’analyser l’utilisation optimale des ressources allouées. La pratique de contrôle des finances publiques est connue, et il y a des standards internationaux à respecter. Un des aspects importants est la transparence, car il s’agit des ressources publiques (à travers l’accès par le public à l’information financière, budgétaire et économique).
Il y a certainement un besoin de travail analytique par rapport aux dépenses de qualité pour mieux apprécier la non-réalisation des objectifs de développement social. L’indice du développement humain où le Tchad est classé parmi les derniers pays au monde montre effectivement que le développement social est réellement en retard et cela est très préoccupant.
T.E: Le manque d’équité des dépenses publiques explique les disparités géographiques et de genre. Comment assurer l’équité des dépenses publiques ?
BK : L’équité dans la dépense publique assure une allocation des ressources de façon impartiale et juste entre les citoyens. Elle permet d’assurer à chaque citoyen son « dû ». Elle repose sur l’investissement impartial sur les populations. Les citoyens devront avoir le sentiment de partage équitable des richesses du pays. C’est pourquoi l’accès aux services sociaux de base : éducation, santé, alimentation, emploi, etc., devra être assuré par l’Etat pour l’ensemble des citoyens, individuellement et collectivement, de façon équitable, quels qu’ils soient, où qu’ils soient. Les indicateurs devraient reposer sur le taux d’accès des populations aux services et les objectifs visant à les améliorer. L’équité dans les dépenses publiques est un facteur important pour la paix, l’unité et la cohésion d’un peuple. Au Tchad, nous avons la chance d’avoir un instrument public qui peut servir de base, à savoir l’« Enquête sur les Conditions de vie des ménages et la Pauvreté au Tchad (ECOSIT) ».
Il faudrait certainement, si nécessaire, dans un débat transparent et dans l’intérêt national, des programmes spécifiques pour corriger certaines disparités, et éliminer les frustrations d’une partie entière des populations qui peuvent se sentir délaissées, et les frustrations cumulées finissent souvent par avoir des conséquences souvent non maîtrisables. Ainsi le budget devra être formulé avec cette vision, y compris les mesures spécifiques et explicites visant à corriger les disparités de genre.
L’équité du genre dans les dépenses publiques, tout comme l’équité intergénérationnelle, reste un maillon incontournable pour booster le développement durable d’un pays. La dépense sur les questions de genre comporte plusieurs dimensions. Cela exige la réalisation des priorités d’investissements dans les domaines clés des ressources humaines, à savoir : la nutrition, les services de santé et de protection sociale, l’éducation de qualité, les apprentissages et compétences pour favoriser le développement du capital humain. Ceci permettra de mieux préparer les jeunes générations à assurer avec détermination la parité à tous les postes comme souhaitée. La femme tchadienne étant en majorité en zone rurale, l’Etat devra, de façon volontaire et sans équivoque, libérer la femme rurale pour réellement lui assurer son autonomie, valoriser ses efforts, et créer ainsi les conditions de l’égalité en zones rurales. Pour cela, il faudra investir en priorité et en urgence pour supprimer les corvées archaïques qui occupent le temps, l’énergie et la santé de la femme rurale et l’empêchent de se consacrer à son éducation et à la création de sa richesse par son activité économique :
- Il s’agit de mettre fin à la corvée de recherche d’eau en rendant l’eau disponible, en quantité et qualité suffisantes, dans tous les villages, à tous les ménages ;
- faciliter les moyens de transports pour l’accès aux marchés en supprimant les transports longs et pénibles des marchandises sur la tête ou sur le dos, comme on le constate le long des routes rurales et nationales ;
- assurer l’accès au foncier agricole et à l’eau pour l’irrigation ;
- faciliter l’accès et l’utilisation des moulins et autres équipements pour les transformations primaires des denrées alimentaires.
Réaliser ces investissements n’est pas une charité à l’égard des femmes rurales. Il ne s’agit pas de réalisation ponctuelle, sélective, ou de projet pilote sans lendemain. Il s’agit d’aider toutes les femmes de tous les villages du pays, dans un processus global à court et moyen termes pour supprimer définitivement ces obstacles. L’accès des filles à l’école dépend fortement de la levée de ces obstacles, en plus de la disponibilité des écoles. La mobilisation des ressources dépend de la priorité qui y sera accordée par tous les acteurs : l’Etat qui doit assurer le leadership, le secteur privé, les partenaires extérieurs, toute la société dans son ensemble. A coup sûr ce sont certainement ces dépenses qui peuvent être indiscutablement qualifiées de qualité pour accroître les chances d’assurer l’équité globale du genre.
T.E: La crise économique résultant des chocs pétroliers et sécuritaire a entraîné l’arrêt de l’ensemble des travaux dans le secteur des infrastructures. Quel est l’impact de cette situation sur les dépenses publiques et sur le secteur privé ?
BK : Les chantiers des infrastructures contribuent pour beaucoup dans le niveau élevé des arriérés internes de l’Etat, dû à la baisse brutale des recettes pétrolières. La question est de savoir si le niveau de ces arriérés reflètent vraiment la réalité des réalisations. Ces dépenses sont-elles de qualité ? Ces cas de marchés publics, bien diagnostiqués et analysés, peuvent illustrer justement l’absence de qualité des dépenses publiques. C’est à juste titre que l’Etat et ses partenaires procèdent à l’audit de ces arriérés et les résultats sont attendus. Avec l’arrêt des chantiers les entreprises privées concernées, qui pour un grand nombre ne vivent que des marchés publics, sont en situation très difficiles, et l’impact social est important avec les pertes d’emploi.
T.E: Votre mot de la fin Monsieur le Ministre.
BK : Je voudrais remercier votre journal et féliciter toute son équipe qui a su, dans des conditions difficiles, surmonter des difficultés pour promouvoir la réflexion et la pensée sur des questions de développement de notre pays. Le travail de réflexion sur des questions économiques, sociales, et de développement en général que vous faites contribue certainement à éclairer les acteurs de notre société, dans un pays où la culture de débats intellectuels, publics, libres et contradictoires sur les questions de développement et de société sont plutôt rares. Ces débats sont pourtant nécessaires pour faire avancer toute société.
Interview réalisée par Jareth BEAIN
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.