Le Plan National de Développement (PND 2017-2021) est une politique publique de développement, initiée par les plus hautes autorités de la République. Il constitue en effet, une fondation pour les deux autres PNDs pouvant accompagner le Tchad à son émergence à l’horizon 2030. Quel est alors son niveau actuel de mise en œuvre ?
Graphique 1 et 2 : Evolution du taux d’enclenchement et du taux d’exécution de 2017 à 2019 en %
La réalisation financière dans le cadre de la mise en œuvre du PND 2017-2021 concerne l’exécution du budget de l’Etat ainsi que la mobilisation des ressources auprès des partenaires pour la réalisation des projets et programmes conformément à leur promesse faite à la table ronde de Paris.
En effet, pour les trois années de mise en œuvre du PND, l’exécution des actions du PAP inscrit dans les Lois des Finances Initiales et Rectificatives est de 70,10% en 2017 et de 77,00% en 2018 contre 85,22% en 2019. Pour l’année 2019, le tableau 5 ci-dessous présente la situation des décaissements de l’Etat et des PTFs.
Tableau 5 : Décaissement par axe stratégique selon la source de financement en 2019 en milliards de FCFA.
Dans le tableau 5 ci-dessus, on trouve la situation de décaissement par axes stratégiques et par sources de financement. Globalement, en 2019, sur un total de 672,87 milliards de franc CFA, l’Etat a décaissé un montant de 547,44 milliards de franc CFA soit 81,35%, tandis que les PTFs ont décaissé un montant total de 547,44 milliards de franc CFA, soit 18,63%.
Mobilisation financière VS Promesse à la Table Ronde de Paris
En rappel, lors de la Table Ronde de Paris en Septembre 2017, environ 10 mille milliards de FCFA ont été promis par les différents partenaires financiers pour accompagner financièrement le PND 2017-2021.
Le décaissement des PTFs effectué en 2019 par rapport à la promesse faite lors de la Table Ronde de Paris est de 1 176 milliards de FCFA contre 1 353 milliards de FCFA en 2018 et 530 milliards de FCFA en 2017. Ce qui donne un total de 3 257 milliards de FCFA pour les trois années soit un taux de décaissement global d’environ 71% pour les 22 partenaires traditionnels ayant promis 4 729 milliards de FCFA sur les 10 mille milliards de FCFA à la Table Ronde.
Rapporté ce taux à la promesse de 10 mille milliards de FCFA, le taux global de décaissement est d’environ 33,00% pour les trois années de mise en œuvre du PND.
Il faut relever que, comparativement à la promesse faite à la Table Ronde de Paris, le niveau de décaissement demeure faible. Il n’y a que les PTFs traditionnels qui ont respecté leur promesse. Le secteur privé, quant à lui, est toujours à la traine dans la mise en œuvre de cette politique publique alors que le PND couvre à hauteur de 60% des parts de ce secteur. Le tableau 6 : ci-dessous présente la situation globale du décaissement des PTFs de 20172019.
Tableau 6 : Décaissement des PTFs de 2017 à 2019 VS promesse à la Table Ronde de Paris en 2017.
L’exécution du PND depuis 2017 jusqu’à nos jours a permis d’atteindre les résultats en termes d’amélioration des indicateurs stratégiques comme l’accès à l’eau potable qui passe de 52% en 2015 à 61,85% en 2019, la scolarisation au primaire en termes d’accessibilité qui passe 70,00% en 2017 à 84,10 en 2019 (se rapprochant de la cible de 86,90% en 2021) sans oublier d’énormes progrès dans le domaine de la santé, des infrastructures, etc.
Cependant, les succès enregistrés dans la mise en œuvre du PND 2017-2021 sont encore loin de convaincre véritablement les citoyens tchadiens qui réclament plus de résultats afin d’améliorer significativement leur condition de vie.
Défis et recommandations :
En dépit des résultats obtenus avec plus de 50% d’actions inscrites dans le PAP du PND 2017-2021 entamées, plusieurs défis restent à relever pour permettre l’atteinte des objectifs fixés à la fin de cette première phase de cette politique publique de développement. Parmi ces défis, on peut citer :
Faible niveau de communication autour du PND 2017-2021
La faible communication au tour du PND fait que, mêmes certains hauts cadres de l’Etat ignorent cette politique de développement. Le PND nécessite donc une communication approfondie pour permettre à toute la population de s’en approprier. L’appropriation par la population permet d’identifier les goulots d’étranglement liés à sa mise en œuvre. Il importe au Gouvernement de mettre de moyens conséquents au service de la communication pour que tous les documents nécessaires soient produits en quantité suffisante dans les principales langues nationales et distribués dans toutes les provinces du pays. Le faible niveau de communication ne rend pas visible certaines réalisations qui sont ignorées par les bénéficiaires.
Etude de faisabilité des projets et programmes
Plusieurs projets et programmes du PND 2017-2021, public comme privé ne font pas l’objet d’études de faisabilité alors que sans celles-ci on ne peut parler de projet. C’est l’une des causes de la faible mobilisation des ressources auprès des PTFs ayant fait des promesses à la Table Ronde de Paris. Il est nécessaire que le Gouvernement puisse organiser systématiquement les études de faisabilité de tous les projets et programmes pour permettre de convaincre les partenaires à respecter leurs promesses faites à la Table Ronde de Paris d’une part, et à conquérir d’autres.
Faible niveau de mobilisation des ressources après la Table Ronde de Paris
Après trois années (2017-2019) de mise en œuvre du PND 2017-2021, le niveau global de mobilisation des ressources demeure faible et se chiffre à un montant global de3 257 milliards de FCFA. Conformément à la promesse de 10 mille milliards de FCFA faite à Paris en Septembre 2017 par les PTFs, le taux de décaissement global se situe à environ 33,00%. Seuls, quatorze (14) PTFs ont décaissé 530 milliards de FCFA en 2017, quinze (15) ont décaissé1 353 milliards de FCFA en 2018 et dix-sept (17) ont décaissé1 374 milliards de FCFA en 2019.
Non maîtrise de la structuration du Partenariat Public Privé (PPP)
Le Partenariat Public et Privé (PPP) permet de lever de fonds de manière significative pour accompagner la mise en œuvre du PND 2017-2021. Malheureusement, ce concept n’est pas maîtrisé par plusieurs acteurs y compris certains hauts cadres de l’administration publique tchadienne. Il serait impératif de l’accompagner par le renforcement de capacité.
Faiblesse du secteur privé tchadien
Le secteur privé hésite toujours d’entrer dans la danse pour accompagner le PND alors que plus de 60% des projets et programmes sont du domaine privé ou du partenariat public privé. Cette faiblesse du secteur privé joue sur le niveau de mobilisation des ressources pour financer les projets et programmes. Le Gouvernement est interpellé d’accentuer l’encadrement et la formation du secteur privé dans l’identification et la formulation des projets porteurs en vue de la mobilisation des ressources.
Faiblesse du mécanisme de suivi-évaluation du PND 2017-2021
Trois (3) organes ont été mis en place à savoir, le Haut Comité d’Orientation de Suivi et d’Evaluation (HCOSE), le Comité Technique de Pilotage (CTP) et le Secrétariat Permanent de Veille (SPV) pour assurer au niveau national, le suivi et l’évaluation du PND 2017-2021. Malheureusement, aucun de ces organes n’est opérationnel jusqu’à présent. Pour combler ce manquement, le Gouvernement a créé la Cellule de Suivi-Evaluation des Projets et Programmes (CSEPP) avec les mêmes attributions que le SPV. Elle est transformée depuis Juillet 2019 en Direction de Suivi-Evaluation des Politiques et Stratégies de Développement. Cependant, la structure dispose des ressources très limitées pour mener à bien ses activités sur le plan national. Le Gouvernement est donc interpellé à mettre du paquet pour rendre dynamique le dispositif de suivi-évaluation du PND pour permettre de corriger à temps réels, les goulots d’étranglements en vue d’atteindre les résultats escomptés. Car l’une des causes des échecs récurrents des politiques publiques de développement mises en œuvre au Tchad dans le passé trouve leur origine dans le faible niveau du mécanisme de suivi-évaluation.
Jareth BEAIN
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