« La jeunesse constitue le fer de lance de la Nation ». Cette dicton est régulièrement prononcée par les dirigeants dans leurs discours portant sur leurs actions en faveur de la jeunesse alors qu’ils n’en perçoivent pas forcement tous les enjeux. La population et plus particulièrement l’ampleur de son évolution a un impact déterminant sur la répartition des dépenses publiques et cela beaucoup plus dans les pays en développement confrontés à une croissance démographique galopante. Quelle est l’ampleur de cette croissance démographique au Tchad, quels sont les problèmes que celle-ci pose et quelles sont les solutions que les pouvoirs publics peuvent mettre en œuvre afin de mieux maitriser cette évolution de la population ? Telles sont les questions auxquelles cet article cherche à répondre.
Une population qui croît trop rapidement
Depuis l’indépendance du pays en 1960, la population a été multipliée par quatre. Elle est passée de 2,95 millions d’habitants à l’indépendance pour se situer autour de 12 millions en 2012 (AFD, 2013.). Pour l’année 2012, par exemple, cela correspond à près de 600 000 naissances et 170 000 décès, soit un accroissement naturel exceptionnel de 400 000. Cette évolution est essentiellement le résultat d’une forte fécondité, d’environ 7 enfants par femme en moyenne. Ceci fait du Tchad, après le Niger, le deuxième pays ayant la fécondité la plus élevée du monde. A cette fécondité élevée, le Tchad se distingue aussi par une mortalité élevée. Cependant, cette forte mortalité ne ralentit pas l’augmentation rapide de la population. Les autres phénomènes sociaux telles que les migrations qui au Tchad concernaient les retours de Lybie, de la Centrafrique et les mouvements de réfugiés ont un impact faible sur la dynamique démographique.
En outre, avec une densité de 9 habitants au Km2, le Tchad apparaît toujours comme un pays peu peuplé. Cette population est très inégalement répartie avec une hyper concentration de la population au sud du pays (près de 60 % du territoire tchadien est occupé par le désert). Cette forte croissance démographique dans un contexte de changements climatiques est à l’origine de conflits récurrents entre les cultivateurs et les éleveurs. En raison de ces caractéristiques, l’étude menée par l’AFD (2013) parvient à la conclusion que la première phase de la transition démographique, la baisse de la mortalité a commencé, mais la seconde phase : la maitrise de la fécondité n’est pas amorcée. La fécondité a même augmenté ces dernières années. En effet, elle est passée de 6,5 à 7,1 enfants par femme alors qu’on anticipait la tendance inverse.
Cette hausse de la croissance démographique accroit les besoins en matière de services de santé et d’éducation et cela dans un pays où les finances publiques sont caractérisées par une faible capacité de mobilisation des revenus. En effet, l’augmentation de la population et la nécessité de l’amélioration de la couverture sanitaire et scolaire entrainent l’accroissement des dépenses publiques.
Les normes sociales limitent les politiques publiques en faveur de la réduction de la croissance démographique
Les pesanteurs sociales et les croyances traditionnelles amenuisent les efforts du gouvernement en matière de planification familiale. Cela est corroboré par les résultats obtenus par les programmes et plans du Gouvernement en matière de santé et de santé de la reproduction mis en œuvre avec l’appui des partenaires au développement. A titre d’illustration, le taux d’utilisation de la contraception au Tchad se situe autour de moins de 5 % en 2010, ce qui est l’un des plus faibles du monde (AFD,2013). Elle n’a pratiquement pas augmenté au cours des 15 dernières années. Ce faible taux s’explique entres autres par le manque d’éducation, la pauvreté de la majorité de la population, l’insuffisance de communication et de sensibilisation ainsi qu’aux « pesanteurs socioculturelles ».
En comparaison, entre 60 % et 85 % des femmes dans les pays émergents utilisent aujourd’hui une méthode de contraception. Depuis leur « révolution contraceptive » les niveaux de fécondité dans ces pays résultent donc du libre choix des femmes (et des couples) de l’espacement de leurs naissances et de la taille de leur famille en fonction de leurs souhaits et de leurs moyens.
Ce qu’il conviendrait de faire
Pour parvenir à maitriser et mieux encadrer la croissance démographique, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Cette maitrise de l’évolution démographique est nécessaire parce qu’elle permettrait de mieux suivre, soigner et scolariser les jeunes. En plus des efforts réalisés qui ont débouché sur des résultats mitigés, il conviendrait de les poursuivre en vue de promouvoir une croissance plus inclusive et durable. Les efforts en faveur de l’éducation ne devraient pas être perdus de vue. En effet, l’éducation apparait comme la seule arme capable pour faire face aux pesanteurs socioculturelles.
En dernier lieu, il est utile de rappeler qu’aucune de ces actions ne devrait être entreprise isolement. En effet, pour parvenir à réaliser la transition démographique de 2nde génération (réduire la fécondité), il faut mener le combat sur plusieurs fronts à la fois.
Guy Dabi GAB-LEYBA
Pour aller plus loin
Guengant, J-P., Guealbaye, M. 2013. Population, Développement et Dividende démographique au Tchad. AFD, Replacer la population au centre des trajectoires de développement Haupt, A. et Kane, T. T, 2004. Guide de Démographie. Population Référence Bureau, 4ème Edition |
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