L’université de N’Djamena, en collaboration avec les partenaires financiers et techniques du Tchad, notamment les Représentations Résidentes du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Africaine de Développement (BAD), a organisé une conférence débat ce lundi 29 Juin sous le thème « Perspectives économiques régionales de l’Afrique subsaharienne». La conférence débat est animée par un panel d’éminents économistes de notoriété internationale, composé du Représentant Résident du FMI au Tchad, monsieur Jean-Claude NACHEGA, le Représentant Résident de la BAD au Tchad, le Professeur Michel-Cyr DJIENA-WEMBOU, la Ministre du Plan et de la Coopération Internationale, Mme Mariam MAHAMAT NOUR et du Recteur de l’Université de N’Djamena, Dr Ali ABDERAMANE HAGGAR (modérateur). Les conférenciers ont tenu en haleine un public composé essentiellement d’étudiants en master et licence, des professeurs d’université, des responsables d’institutions publiques et privées et des journalistes.
D’entrée de jeu, les bienséances ont porté sur la nécessité de pérenniser ce cadre d’échanges et de discussions afin d’ « éviter un désert intellectuel » au Tchad. La conférence est marquée par les interventions remarquables et complémentaires des trois panélistes.
Le Représentant du FMI a axé son intervention sur la présentation des perspectives économiques de l’Afrique Subsaharienne en 2015. Le conférencier a indiqué que le FMI publie chaque année deux numéros (avril et octobre) de la série « Perspectives économiques régionales ». Le contenu de sa présentation, basée sur le numéro d’avril 2015 dont le thème central est « Faire face aux vents contraires », est articulé autour de cinq points essentiels : (i) Perspectives de croissance économique de l’Afrique Subsaharienne (PIB réel agrégé), (ii) la baisse des cours mondiaux des matières premières, (iii) les vulnérabilités et risques, (iv) l’épidémie de fièvre Ébola et (v) les implications stratégiques.
Abordant la question des performances des économies africaines au sud du Sahara, monsieur Jean-Claude NACHEGA a indiqué que la croissance économique dans cette sous-région restera relativement soutenue et forte autour de 4,5% en 2015 (comparée à 5% en 2014). Ce taux place la sous-région au troisième rang mondial après les économies émergentes et asiatiques. Le ralentissement modéré de la croissance observé par rapport à l’année 2014 s’explique par les facteurs suivants : (i) la baisse des cours internationaux du pétrole entamée en juin 2014 ; (ii) le ralentissement économique en Afrique du Sud à la suite de grèves dans le secteur minier et de problèmes d’approvisionnement en électricité et (iii) l’épidémie de fièvre Ebola qui a fortement nui à la croissance des pays tels que la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone. Un argument corroboré par le fait que si ces pays sont exclus de l’échantillon, la croissance de l’Afrique subsaharienne (ASS) se situe à 5,4% (sans l’Afrique du Sud et le Nigeria). D’après le conférencier, les effets de la chute des cours internationaux du pétrole sur les économies de la sous-région sont hétérogènes. En effet, bien que les pays exportateurs de pétrole enregistrent une chute des recettes pétrolières, creusant les déséquilibres budgétaires et les déficits des comptes extérieurs courants, les pays importateurs de pétrole verront une baisse de leur facture énergétique. Cependant, l’effet négatif de la chute des cours internationaux du pétrole sur les pays exportateurs est atténué par l’appréciation du dollar par rapport à l’euro du fait de la parité fixe euro-FCFA. L’appréciation du dollar par rapport à l’Euro s’explique par l’anticipation de la part des agents économiques du retrait imminent des mesures monétaires non conventionnelles de la Reserve fédérale des Etats Unis (Fed).
L’économie tchadienne, fortement dépendante du pétrole, n’est pas épargnée par la morosité de la conjoncture économique mondiale caractérisée par la chute des cours de pétrole. En effet, les taux de croissance réelle du Tchad s’est établi à 6,9% en 2014 et projeté à 7,6% en 2015 et 4,9% en 2016. La croissance en 2015 est soutenue essentiellement par le secteur pétrolier car la croissance du PIB réel incluant le secteur pétrolier se situe à hauteur de 43,4% cette année. Le conférencier explique l’expansion du secteur pétrolier par la mise en valeur des nouveaux gisements. Quant à la croissance du secteur hors pétrole, projetée à 2,1% en 2015 contre 7,1% en 2014, sa faiblesse s’explique essentiellement par la réduction de moitié des dépenses d’investissement consécutive à la baisse anticipée des recettes pétrolières.
Les projections du FMI font état d’un ralentissement économique beaucoup plus important qu’initialement prévu dans les trois pays touchés par la fièvre hémorragique Ebola (Guinée, Liberia et Sierra Leone). La réponse du FMI a consisté à un soutien financier et des conseils en matière des politiques macroéconomiques. Les décaissements du FMI totalisent environ 290 millions de dollars entre septembre 2014 et mars 2015 et ces trois pays ont bénéficié d’un allègement de dette équivalant à 100 millions de dollars.
En guise de conclusion, monsieur Jean-Claude NACHEGA, Représentant résident du FMI à N’Djamena, a admis que les prescriptions de politiques économiques dépendront de la spécificité de chaque économie. Toutefois, il suggère que les pays exportateurs de pétrole corrigent leur trajectoire budgétaire et, le cas échéant, assouplissent leur régime de change. La nécessité de poursuivre la réforme des subventions énergétiques et d’entamer un processus vers des mécanismes de fixation automatiques des prix des carburants et de l’énergie est vivement recommandé.
Le Professeur Michel-Cyr DJIENA-WEMBOU est intervenu pour faire une lecture géostratégique et stratégique des chiffres présentés par son prédécesseur. Le conférencier considère la géostratégie comme la définition d’une stratégie globale à partir des données économiques, géographiques et politiques. La stratégie fait recours à l’utilisation des moyens disponibles pour répondre aux défis de développement que font face les pays en développement. Le Professeur a considéré l’école comme un instrument non seulement de développement de conscience de la supériorité de chaque peuple, mais aussi un outil de domination des peuples. C’est pourquoi les décideurs et les enseignants doivent veiller au contenu des formations dispensées au risque de voir la pensée du bourreau s’imposer à tous. Le conférencier a conclu en mettant l’accent sur les réformes économiques dans le sens d’assurer une égalité sociale et la diversification et la transformation structurelle comme des prescriptions de politique économique aux pays africains.
Madame Mariam MAHAMAT NOUR a tout d’abord félicité le FMI et son Représentant pour cette conférence-débat axée sur la publication de cette institution dénommée « Perspectives économiques régionales en Afrique subsaharienne : faire face aux vents contraires», ce qui constitue une première au Tchad. Madame la Ministre a ensuite souligné la nécessité d’une vision à long terme de l’économie tchadienne et que l’Etude nationale prospective «Tchad Vision 2030» s’inscrit dans ce cadre. Elle a insisté particulièrement sur la promotion de l’agriculture pour assurer le développement et la diversification du tissu économique du Tchad.
La conférence a pris fin après une séance de questions-réponses axées sur les enjeux de la parité FCFA-euro, l’impact des dépenses d’investissement sur la croissance, l’importance de l’énergie pour la croissance, l’intégration régionale et la croissance, la réconciliation des africains avec leur histoire, l’atteinte par le Tchad du point d’achèvement de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés, le lien entre santé et croissance, l’impact de la crise sécuritaire sur la conjoncture économique, les déterminants de la croissance et les fondamentaux de l’économie tchadienne.
En guise de conclusion, le Recteur de l’Université de N’Djamena s’est réjoui de la tenue de cette conférence inédite consacrée au thème de la croissance économique en Afrique subsaharienne mais a également offert un cadre d’échanges entre les responsables politiques tchadiens, les institutions internationales et le monde académique. Il souhaite que ces rencontres se multiplient pour le bonheur surtout des futurs cadres du Tchad.
Aristide MABALI, rédacteur en Chef de Tchad Eco
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