La baisse soutenue des prix internationaux du pétrole observée depuis mi-septembre, signalée par ailleurs dans Tchad Eco N°2, se poursuit. Le Brent coté à Londres coûte actuellement 79 dollars le baril, son niveau le plus faible depuis treize (13) ans.
Cette baisse s’explique par la faible demande mondiale et une offre abondante, induite par l’essor du pétrole de schiste aux Etats-Unis. À cela s’ajoute les tensions géopolitiques. En effet, certaines analyses mettent en exergue le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Cette baisse soutenue serait un instrument de pression et de sanction des américains sur le gouvernement russe. L’économie russe étant dépendante du pétrole et du gaz, cette baisse a un impact réel et inéluctable sur son budget et donc sur le financement de ses opérations stratégiques extérieures.
Tandis que les pays membres de l’OPEP, qui pompent un tiers du brut mondial, n’ont pas manifesté d’intention unanime de réduire leur production pour équilibrer le marché. Enfin, la faible élasticité des fondamentaux (offre et demande) au prix risque de maintenir cette tendance à long terme.
L’analyse du marché de pétrole est difficile en raison de produits et de variété de brut. Sur le marché physique au comptant (spot), la livraison est immédiate (ou quasi immédiate compte tenu du délai de d’acheminement). Le marché physique à terme (forward) pour lequel le délai de livraison est différé (trois à six mois), permet aux vendeurs de garantir l’écoulement et aux acheteurs de garantir l’approvisionnement à un prix déterminé. Le marché à terme (marché des «futures») consiste à échanger des intentions sans que celles-ci ne débouchent forcément sur des transactions physiques, cela permet de s’assurer contre les risques des variations des prix.
Et les perspectives et implications budgétaires de cette baisse soutenue des prix?
Les analyses des trois journaux Jeune Afrique, Financial Times et The Guardian font apparaitre les difficultés budgétaires que certains pays connaitront suite à cette baisse soutenue des prix. D’après eux, à 79 dollars le baril plusieurs pays, indépendamment de leur niveau de développement, expérimentent des déficits budgétaires importants. Le niveau de ces déficits dépend de l’optimisme qui a animé les gouvernements lors de la prévision des prix du pétrole dans le budget. Nous observons un écart négatif de 81 dollars par baril dans le budget du Venezuela, 51 dans le budget iranien, 42 pour le budget Algérien ou de 16 pour le budget du Congo.
Et le Tchad …
La baisse du prix du brut si elle venait à se confirmer durant toute l’année prochaine aura des fâcheuses conséquences sur l’économie tchadienne. Elle entrainera une contraction des recettes pétrolières. Or, rien que les masses salariales absorbent environ 90% des ressources non pétrolières. Dans ce contexte, deux options s’offrent au gouvernement: soit suspendre les nombreux travaux de construction des infrastructures (économiques et sociales); soit continuer à assurer leur financement par l’endettement. La première option est économiquement et politiquement coûteuse. La seconde option permet au gouvernement d’assurer ses fonctions régaliennes, même si un niveau de dette élevé n’est pas souhaitable en raison de ses conséquences sur la croissance économique et l’équité intergénérationnelle. Le niveau de la dette du Tchad étant faible ces dernières années, la seconde option semble la plus raisonnable parmi toutes les autres.
Ceci dit, le Tchad doit réfléchir à élargir la base des exportations de son économie afin d’éviter les conséquences fâcheuses de la volatilité et sur la baisse soutenue des prix du pétrole. Aussi, cette situation interpelle-t-elle les autorités à faire recours aux différents instruments de marché (produits dérivés) afin de se prémunir contre les chocs des prix.
Aristide MABALI et Guy GABI
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.